La figure de l’agent commercial en France

En France, les agents commerciaux bénéficient d’une protection particulière par rapport aux autres pays de l’Union européenne, notamment en matière de « rupture de relation ».
Le système français (mis en œuvre par la directive CEE n° 86/653 du 18.12.1986) permet en effet à l’agent commercial d’obtenir réparation du préjudice du seul fait d’avoir perdu le profit qu’il aurait pu réaliser en cas de poursuite de l’activité relation.
Ce dommage n’a pas de limite maximale, même si la jurisprudence établit normalement le quantum en deux ans de commission brute.
Dans le cadre européen, généralement, à la fin de la relation d’agence, une indemnité limitée à un an maximum de commissions est reconnue, et, en tout état de cause, due uniquement si l’agent a développé une clientèle de nature à créer un avantage Au directeur.
En considération de ce privilège, l’intérêt des intermédiaires français à revendiquer le statut d’agent commercial est également évident.
Cette tendance a certainement trouvé un terreau fertile dans la circonstance pour laquelle les critères nécessaires à l’identification exacte du statut d’agent commercial ne sont pas clairement établis dans l’ordre juridique français.
L’article L134-1 du code de commerce prévoit en effet qu’un mandataire est défini comme la personne physique ou morale qui, librement, sans être liée par un contrat de prestation de services, est chargée, à titre permanent, de négocier et, éventuellement, conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, fabricants, commerçants ou autres agents commerciaux.
Bien que la définition soit apparemment sans équivoque, au fil des années un important débat jurisprudentiel s’est développé autour du terme « négocier ».
Depuis 2008, la chambre commerciale de la Cour de cassation a en effet adopté une conception restrictive du terme, estimant que, pour accéder au statut d’agent commercial, l’intermédiaire doit avoir le pouvoir de modifier les conditions du contrat et, notamment de pouvoir modifier les prix du produit commercialisé.
Cette orientation jurisprudentielle a nécessairement suscité de nombreuses critiques de la part de la doctrine puisque, en termes de réparation du préjudice, elle pénalisait fortement les intermédiaires.
Pour cette raison, certains Tribunaux ont adopté une conception plus souple selon laquelle la notion de négociation n’indique pas la possibilité de déterminer de manière autonome le prix, mais simplement la possibilité de présenter les produits du donneur d’ordre en enlevant les commandes conformément également aux instructions données par le principal.
Dans ce contexte, s’inscrit l’arrêt historique de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 juin 2020 qui, mettant fin au conflit jurisprudentiel précité, freine l’orientation restrictive qui, de fait, a privé certains agents commerciaux du l’indemnisation entraînée par la cessation du rapport.
En effet, le Tribunal de commerce de Paris, par sa sentence du 19 décembre 2018, s’est posé la question de savoir si le droit de l’Union européenne conférait à un agent commercial le pouvoir de modifier les prix et conditions des contrats de vente de son commettant.
Le 4 juin 2020, la Cour de justice a fermement répondu que l’article 1, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu’une personne ne doit pas nécessairement avoir le pouvoir de modifier les prix des biens qu’elle vend pour le compte du donneur d’ordre pour être qualifié d’agent commercial.
Contrairement à la Cour de cassation française, la Cour européenne a donc eu une approche beaucoup plus large du concept de négociation.
Cette décision permet aux agents de ne plus être privés du statut d’agent commercial au seul motif qu’ils n’auraient pas le pouvoir de modifier les prix de leur employeur, bénéficiant ainsi plus facilement de leur droit à l’indemnité compensatoire.
Ce changement de méthode relatif au processus de qualification déplace les lignes des différents contrats de courtage qui, au fil du temps, peuvent faire l’objet d’une requalification d’autant plus que dans l’ordre juridique français le juge n’est pas lié par la qualification indiquée par les parties.
Avocat Luisa Bergamino
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